riptide ☆ benjamin

elle balance son cahier d'un geste élancé. sa tête qui résonne, des chiffres qui imbibent sa vue. elle en peut plus du taffe, marie. elle en peut plus de ces putains de fonction qui ont infectés son oxygène. elle se demande un instant pourquoi elle est allée en s. elle aurait pu se retrouver quelque part ailleurs, mais non elle a décidé de faire s parce que madame est aussi intelligente que benjamin et maman. elle veut prouver au monde qu'elle a pas qu'un petit poids dans le crâne, que c'est pas une brel la gamine. elle jette un regard à son tel avant de répondre automatiquement au snap d'avé et manon. elle peut pas s'empêcher d'en envoyer un à ces frères avec une grimace, comme d'hab. les yeux qui louchent et la bouche en cul de poule. elle aime bien cette façon de voir la vie, rien qu'en déconnant. elle sort de sa chambre en attrapant son sac à dos où elle fourgue son porte-monnaie, elle aime se sentir riche et avoir du fric. son père ne l'interpelle plus, il est habitué au mouvement après avoir élevé quatre gosses. quatre gosses, c'est chaud quand même. et elle est là, marie, le bonnet sur la tête et la clope au bec. elle aime bien le son éraillé de sa gorge quand elle fume et la sensation de brûlure dans sa gorge.

après avoir pris le métro, elle descend à la croix rousse. elle reçoit un message de benji et se propose de le rejoindre dans le café du coin. le café, c'est sa vie. marie sans café, ça n'a pas d'existence. la pile a besoin de sa batterie, marie a besoin de la caféine. elle check certains potes qu'elle croise rapidement avant de se poser dans l'un des cafés, préférant se mettre en terrasse malgré le froid. juste parce qu'elle peut fumer de nouveau. elle commande un café au serveur et elle attend, toujours et longtemps, que son frère arrive. benjamin n'a jamais été le plus à l'heure, mais il n'est pas le retardataire de la fratrie, c'est souvent marie. quoique, c'est selon son humeur que la gamine se presse. alors elle crapote doucement dans le froid, en observant les passants qui défilent. elle trouve que ça lui donne un air philosophique, et rien que pour cette connerie, avé et manon l'auraient lynchés.

marie elle a peur de faire les mauvais choix. de se tromper, tout le temps. elle aime tenter, parce que c'est dans son sang. cette intrépidité, ce courage trop sauvage qui lui donne un air de lionne avec son visage adorable. elle a besoin de sentir son coeur battre plus vite durant certains moments, comme pour se rassurer. alors elle crapote, encore et encore. elle se brûle la gorge et les tympans avec sa musique trop forte. elle aime bien s'évader marie, elle aime bien avoir ces moments de solitude et de lucidité. face à elle-même, à ce reflet dans le miroir. elle cherche les imperfections d'une main rapide, et observe ce qu'elle est devenue d'une autre. elle a toujours porté un regard important à cette image. elle s'en fiche pas mal d'être populaire ou sainte nitouche. mais elle veut pas qu'on la confonde avec les putains de perrache. c'est pas une catin des bois la gamine. elle avale son café un instant avant de regarder son téléphone. pas de message. ça la fait sourire. alors elle tourne la tête et observe les passants d'un air sage, comme si marie éléonor charvet se prenait pour le juge de ce monde. une femme enceinte passe et elle s'imagine un instant comment sera ce gosse. noir comme sa mère ou un joli métisse ? puis y a des vieux à l'intérieur du café. peut-être que ça sera elle, plus tard, avec les autres charvet. comme si ce café particulier de la croix rousse était une tanière pour la famille.

elle voit sa tête émergée dans l'allée et marie ne peut s'empêcher de sourire à son allure. marie elle sourit souvent, c'est naturel chez elle. mais quand c'est sa famille, son visage ne peut pas plus s'illuminer. elle a besoin d'étirer ses lippes, c'est vital pour elle et sa famille. « Bah alors, depuis quand tu fumes toi ? » la gamine tend son front comme pour recevoir ce baiser protecteur. comme une enfant avec l'objet tueur dans la bouche. « c'est qu'une clope ben, si tu veux la prochaine fois je peux prendre un joint et commander une vodka. » elle est pas vilaine la gamine, juste un peu provocatrice pour le plaisir de voir son frère sourcilier. elle sait qu'elle oserait pas, du moins, pas devant ben. alors elle sourit avec douceur comme si elle avait dit la phrase la plus candide et adorable qu'il puisse avoir entendu. « J'suis stupéfait : toi, en avance ! J'devrais parier au loto j'pense que j'aurais mes chances. » elle le regarde s'asseoir avant de recracher la fumée, se mêlant à l'air qui sort entre ses lèvres. c'est vrai qu'il a raison, la gamine elle est jamais vraiment à l'heure depuis ses dix-sept ans, et c'est pas près de changer. « ne t'y habitues pas trop, la patiente c'est pas mon délire. » un petit clin d'oeil pour renforcer la taquinerie. ben et marie ils adoraient courir dans ce café enfant. se cacher et dès qu'ils se trouvaient, faire une grimace. les grimaces, c'était le truc de marie. lors des longs repas de famille chiants, marie elle s'amusait à faire des grimaces sans se faire repérer par les adultes. un jeux qu'ont pratiqués les enfants charvet avec patient. et le pire c'est qu'encore aujourd'hui, marie pratique ce jeux. « Aors, ta trigo, cha a avanché ? » elle arque ses sourcils, comme pour accentuer l'horreur de ce mot. la trigo .. marie elle aimait bien ça quand tout fonctionnait et allait dans son sens. pourtant aujourd'hui, elle avait eu besoin de son frère pour calculer l'intégral et tout le bordel mathématique qui s'ensuit. « m'en parle pas. j'ai réussi à la finir l'interprétation graphique, c'est déjà ça. » ça la contrariait un peu la gosse, parce qu'elle aimait tout faire, tout finir. elle voulait tout savoir et tout voir à la fois. être aussi bonne en math qu'en français. « et toi, comment ça se passe la fac ? » elle écrase sa clope puis avale de nouveau un peu de son café, s'imprègne de ses apports et de l'énergie qui revient en elle petit à petit.